Interview : Boris Bachorz, directeur Afrique de l’Afp « Lorsqu’on se retrouve exposé y compris physiquement, une intensité de nos sentiments en ces moments est plus forte que le reste. »

Article : Interview : Boris Bachorz, directeur Afrique de l’Afp « Lorsqu’on se retrouve exposé y compris physiquement, une intensité de nos sentiments  en ces moments est plus forte que le reste. »
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5 juillet 2017

Interview : Boris Bachorz, directeur Afrique de l’Afp « Lorsqu’on se retrouve exposé y compris physiquement, une intensité de nos sentiments en ces moments est plus forte que le reste. »

Boris Bachorz, est venu à l’Agence France-Presse (Afp) après avoir obtenu son diplôme à  l’Ecole Supérieure de Journalisme – Lille et de l’Institut d’Etudes Politiques de Strasbourg. Il a travaillé pour l’Afp à Lille, à Bruxelles, à Londres et à Moscou, où il a remporté le Prix Albert Londres avec l’équipe du bureau pour couvrir la première guerre de la Tchétchénie. Anciennement responsable du bureau Afp pour l’Afrique de l’Est basé à Nairobi (2009-2013).

 Après 30 années de journalisme, comment vous trouvez la nouvelle génération des journalistes ?

Je la trouve assez épatante, supérieure à la mienne.Dans la mesure où le niveau a beaucoup augmenté. Les jeunes journalistes se retrouvent très à l’aise dans deux, trois, voire plusieurs langues. Ils sont également multimédia. C’est presque devenu la norme, qu’un journaliste fasse le texte, le son et la vidéo. Ils sont très actifs sur les réseaux sociaux. Certains maitrisent le codage, l’algorithme pour travailler sur les questions de data journalisme. La  profession se renouvelle.

Est-il nécessaire  que les journalistes mettent l’accent sur la couverture des conflits en Afrique ?

Je crois que certaines personnes seront aptes à couvrir les conflits. Mais aujourd’hui le regard sur  l’Afrique c’est autre chose. Il faut s’intéresser aux initiatives locales, à  l’Afrique entrepreneuriale. C’est 100% vrai, mais en même temps il faut continuer à couvrir les conflits pour pouvoir rapporter le sort de ces populations en détresse ou victimes de crimes de guerre, crimes contre l’humanité. C’est toujours important que des journalistes partent couvrir ces faits sur ces terrains difficiles. Cela fait partie de la mission d’une entreprise comme l’Agence France Presse (Afp).

Au cours de votre carrière, quels ont été les grands moments qui vous ont marqués ?

J’ai eu la chance à l’Afp de faire des choses extrêmement différentes.  Des reportages au sein de l’union européenne, jusqu’à la couverture des conflits. Ces  types de reportages sont très forts. En termes de souvenir ce sont les premiers qui viennent en mémoire. Avec l’équipe de l’Afp, j’ai couvert la première guerre de Tchétchénie à Moscou (1994-1996). Lorsqu’on se retrouve exposé y compris physiquement, une intensité de nos sentiments  en ces moments est plus forte que le reste. J’ai aussi un souvenir inoubliable de l’Afrique de l’Est où  j’ai été pendant quatre années responsable du bureau Afp basé à Nairobi.

Au cours de vos enquêtes, quel état d’esprit vous anime ?

J’essaie d’être aussi  ouvert que possible.  C’est très compliqué parce que le reportage se prépare.  Il  faut maîtriser son dossier pour apporter des choses intéressantes. Il faut en partie être  ouvert à l’imprévu. En plus  accepter des informations auxquelles l’on ne s’attendait pas pour ne pas trop céder à ses propres présupposées.

Lorsqu’il vous arrive de rencontrer des sources qui refusent de parler ?

On ne peut pas forcer une source à se prononcer. En revanche on peut faire valoir l’importance de son témoignage. Une source peut craindre pour sa sécurité par exemple. En tant que journaliste, on doit faire en sorte de ne pas mettre en danger notre interlocuteur en le protégeant. Certains outils existent. On peut citer quelqu’un de façon anonyme. Nous pouvons changer son prénom à condition qu’on le dise dans le reportage.

En tant que reporter Est-ce possible d’être  complètement  neutre sur un terrain ?

On ne l’est jamais bien sûr. Parce qu’un journaliste reste un être humain avec sa subjectivité. Moi, sur le terrain, j’arrive avec mon histoire personnelle, et celle de mon pays  d’origine, c’est difficile à priori de faire abstraction. Le  journaliste développe des anticorps de contre subjectivité. En général le terrain s’avère le meilleur remède. C’est-à-dire que, en faisant honnêtement son métier. Le terrain finit par vous dire des choses qui vont remettre en cause ce que vous pensez à priori. Dans une agence de presse, on fournit nos informations au monde entier. La discipline intellectuelle s’impose à nous. On essaie d’être le plus honnête. Dans un conflit typiquement, on s’expose à des critiques des deux parties.

Quel avenir souhaitez-vous pour les journalistes africains ?

Je salue leur courage individuel. Plusieurs journalistes que je connais exercent dans des conditions pénibles.  Dans les pays où la liberté d’information est très limitée. Ces confrères qui acceptent de se sacrifier au péril de leur vie. Littéralement ce sont des  journalistes nobles. Je recommande à la presse africaine de trouver des structures économiques pour pouvoir développer leur profession. Il faut espérer qu’il y a des marchés à saisir. Concernant les informations locales et régionales, des journalistes peuvent parvenir à se mettre ensemble sous forme de coopérative par exemple. Le besoin d’infos en Afrique est immense. Le continent  est très peu couvert par rapport à la réalité du terrain.

Les réseaux sociaux offrent une opportunité de se faire connaître au niveau international. Ce qui n’était pas le cas, il y a dix ans. Il faut amasser des connaissances, du savoir-faire, être aussi bi-média.

Mais le futur reste à écrire pour les journalistes africains.

 

Propos recueillis par Paterne Kraidi

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Commentaires

stéphane
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bravo